Textes sur le désir et la passion
Voici quelques textes. Comme d'habitude, vous avez intérêt à les archiver dans un dossier ("Désir Passion", par exemple).
Vous trouverez ci-dessous des textes de philosophes et aussi des textes non philosophiques, précieux pour votre culture générale. Ne les négligez pas : ils peuvent vous fournir des exemples utiles en dissertation et servir d'appui à votre réflexion. Ils sont en général très plaisants à lire.
Plus bas, je vous propose quelques pistes de méditation sur le désir.
Auteur |
Fichier |
Commentaire |
Platon | Platon_Banquet.rtf | Les androgynes d'Aristophane et la naissance d'Eros. |
Lucrèce et Molière | Lucrece_Moliere.rtf | Critique épicurienne de la passion amoureuse. Molière reprend fidèlement le texte de Lucrèce. |
Augustin | Augustin_Confessions_poires_spectacles.rtf | Saint Augustin confesse à Dieu ses "charnelles corruptions". Il a volé pour voler et a pris plaisir au spectacle de la souffrance. Misère ! Comparez ce texte avec la Chute de la Bible. |
Augustin | Augustin_Trinité_Cs.rtf | L'amant, l'aimé et l'amour forment une fausse trinité : ils sont relatifs les uns aux autres. Mais la pensée ? Ne se connaît-elle pas elle-même par elle-même ? |
Descartes | Descartes.rtf | Extraits du Traité des passions. Définition des passions. Peut-on les vaincre ? Une passion, une seule, est toute bonne : la générosité. À lire attentivement. |
Pascal | Pascal.rtf | "Les passions sont toujours vivantes dans ceux qui y veulent renoncer." Un texte inachevé de Pascal. À vous de continuer... |
Spinoza | Spinoza.rtf | Divers textes de Spinoza sur le désir et la passion. Assez difficile parfois, mais essentiel et très classique. |
Malebranche, Locke et Leibniz | Inquietude_Malebranche_Locke_Leibniz.rtf | Ces auteurs associent désir et inquiétude. |
Rousseau | Rousseau.rtf | Divers textes très classiques de Jean-Jacques |
Hume | Hume_Passions_raison.rtf | La raison peut-elle vaincre les passions ? Comparez avec ce qu'en disent Rousseau et Kant, notamment. |
Kant | Kant_Anthropologie_Passions.rtf | Kant décrit la passion comme une maladie de l'âme. Peut-on en guérir ? Pourquoi ? Et regardez bien s'il la condamne absolument. |
Rousseau et Kant | Resister_au_desir.rtf | Deux textes à comparer. Le texte de Kant est très important. C'est le fameux "Tu dois, donc tu peux". La morale peut l'emporter sur la sensibilité. |
Feuerbach | Feuerbach.rtf | Feuerbach analyse le miracle, où le désir se réalise. Vous y trouverez en complément un article récent sur les apparitions "miraculeuses" de la Vierge à Medjugorje. |
Kierkegaard | Kierkegaard_DonJuan_Carmen.rtf | Les femmes, Don Juan, Carmen... Ça fait mal où ça fait plaisir ! |
Schopenhauer | Le pessimiste et l'inégalable mysogyne. . | |
Bergson | Bergson.rtf | Sur l'intensité de l'émotion, du sentiment, de la passion. |
Alain | Alain.rtf | "Ma passion, c'est moi, et c'est plus fort que moi." |
Alquié | Alquie.rtf | La passion nous permet-elle d'aimer un être autre que nous ? Sais-je qui j'aime ? Gérard ne sait plus s'il aime Adrienne ou Aurélie... Après ces textes, [re]lisez le merveilleux Sylvie de Gérard de Nerval ! |
Borne | Borne.rtf | Ce philosophe chrétien défend la passion. Le propre du vice est d'être sans passion. Il analyse le dilettantisme, l'avarice et le fanatisme. Il montre que le Christ donne son sens à la passion, par sa Passion. |
Baudrillard | Baudrillard.rtf | L'hystérie généralisée de la consommation. Les objets peuvent-ils satisfaire nos désirs ? |
Quelques
textes |
non
philosophiques |
pour
votre culture |
Rey_Sur_le_mot_desir.rtf | D'où vient le mot "désir" ? | |
L'épopée de Gilgamesh | Gilgamesh.rtf | Le plus ancien texte épique et poétique. Il raconte déjà une sorte de "chute" de l'homme. On voit comment la Bible s'en est inspirée. Attention : torride ! |
Bible | Genese_chute.rtf | À comparer avec Gilgamesh |
Bible | Daniel_Susanne_deux-vieillards.rtf | Un roman à lui tout seul...Cliquez ici pour voir des tableaux sur ce récit. |
Homère | Homere_Ulysse_sirenes.rtf | Comment le sage Ulysse a su jouir du chant des Sirènes sans se faire piéger. Texte célèbre, très souvent commenté : un modèle de ruse stratégique. |
Campanella | Campanella_Cite_du_soleil.rtf | Dans cette utopie, comment faut-il faire pour avoir de beaux enfants ? |
Sainte Thérèse d'Avila | Therese_Transverberation.rtf | Mystique et érotique |
Francois de Sales | Francois_de_Sales_Elephant.rtf | Ce saint montre comment l'éléphant est un modèle de vertu : il sait modérer ses désirs... Ah, si les hommes étaient des éléphants ! |
Stendhal | Stendhal_Cristallisation.rtf | La fameuse "cristallisation" dans la passion |
Masoch | Sacher_Masoch.rtf | Le désir masochiste |
Bataille | Bataille_Erotisme.rtf | Désir et transgression |
René Girard | Girard_Coquette.rtf | Pour qui la coquette se fait-elle belle ? |
Manouchian | Lettre_Manouchian_Melinee.rtf | La dernière lettre d'un résistant condamné à mort par les nazis. L'"affiche rouge", c'est lui. On ne peut lire cette lettre sans une forte émotion. |
Divers |
Fichiers
MP3 |
Commentaire |
Genese-du-desir_JM-Oughourlian_21nov07.mp3 | 14Mo. Sur le désir mimétique (inspiré par René Girard) | |
Bac-philo_12juin09_N'avoir-plus-de-desirs-pour-etre-heureux_V-Chavanne.mp3 | 20Mo. Corrigé de dissertation à France culture. | |
Personne-i-m'aime.mp3 | 1Mo. Un peu d'humour : le drame d'un amoureux pas aimé de CP... La vie, c'est pas zuste ! |
• Pascal, avec l’aide de Saint Jean, stigmatise
les trois fleuves de feu de la concupiscence (Pensées,
Br. 458, Pl. p. 1302) :
« “Tout ce qui est au monde est concupiscence de la chair,
ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie (I Jean, II
16) : libido sentiendi, libido sciendi, libido dominandi”. Malheureuse
la terre de malédiction que ces trois fleuves de feu embrasent plutôt
qu’ils n’arrosent ! »
— Retenez ces trois types de libido. Songez-y lorque vous
aurez à réfléchir sur les désirs.
— Mettez ces trois types de désirs en rapport avec la tripartition
platonicienne dont nous avons parlé en classe : la tête (sophia),
le coeur (thymos), le ventre (epithumia).
• « Les étoiles, on ne les désire
pas. On ne peut que se réjouir de leur splendeur. » (Goethe, cité
par Schopenhauer dans Le monde comme volonté et comme représentation,
p. 1102) : Avez-vous retenu l'explication de cette formule dans le texte d'Alain
Rey ?
• Que pensez-vous de ce sorite de la passion
comme souffrance :
Être, c’est désirer, agir.
Agir, c’est faire effort.
Faire effort, c’est souffrir.
Donc être, c’est souffrir.
Jacques Chevalier, Leçons de philosophie, t. I, Psychologie
et logique, p. 58-59 :
• "La vie oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui. [...] De là ce fait bien significatif par son étrangeté même : les hommes ayant placé toutes les douleurs, toutes les souffrances dans l'enfer, pour remplir le ciel n'ont plus trouvé que l'ennui." Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation (1818), éd. P.U.F., 1956, p. 394.
• Que pensez-vous de l'affirmation du moraliste La Rochefoucault
: "Il y a des gens qui n’auraient jamais été amoureux
s’ils n’avaient jamais entendu parler de l’amour." Qu'en
disent, entre autres, Pascal et Bergson ?
• Réfléchissez sur ces deux questions :
- Est-ce parce que je manque que je désire ?
- Est-ce parce que je désire que je manque ?
Soumettez ces deux propositions à l'épreuve d'exemples. À
quelles philosophies font-elles référence ? Quelles différences
impliquent-elles et entraînent-elles ?
• Le désir est désir de l’autre, dit-on.
Que veut dire : "de l'autre" ?
• Si le désir s’épuise dans sa satisfaction,
il est contradictoire : la satisfaction le supprime. Le désir serait-il
donc suicidaire ? Quelles sont les stratégies dont il peut jouer pour
se maintenir, se sauver ?
Cf. O. Wilde : "Quand les dieux veulent nous punir, ils exaucent nos prières."
• "Aime et fais ce que tu veux [Dilige,
et quod vis fac]. Si tu te tais, tais-toi par amour ; si tu parles, parle
par amour ; si tu corriges, corrige par amour ; si tu pardonnes, pardonne par
amour. Aie au fond du cœur la racine de l’amour : de cette racine,
il ne peut rien sortir que de bon." (Saint Augustin, In epistolam Ioannis,
Tractatus Decem, VII, 8, trad. f. Lin, O.S.B.)
Notez que cette phrase est souvent citée faussement : "Ama et fac
quod vis". Le remplacement de dilige par ama n'est pas
un grave contresens, mais que n'a-t-on pas fait dire à la formule ! En
lisant bien l'ensemble de la phrase, dégagez-en le sens véritable.
Pour vous aider, sachez qu'ici Saint Augustin commente la Première
Epître de saint Jean où il est dit en 3,18 : "Filioli,
non diligamus verbo nec lingua sed in opere et veritate… [Mes
petits enfants, n’aimons pas en paroles et de langue, mais en acte et
dans la vérité…]".
•
Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère, et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux.
Il (le désir, l'amour de...) est à l’affût de ce qui est beau et de ce qui est bon, il est viril, résolu, ardent, c’est un chasseur redoutable ; il ne cesse de tramer des ruses, il est passionné de savoir et fertile en expédients, il passe tout son temps à philosopher, c’est un sorcier redoutable, un magicien et un expert.
Tout ce qui est beau est difficile autant que rare.
Sans repos le véritable bonheur est impossible.
... Tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l’ordre du monde.
Le manque est un contre-effet du désir.
On ne pourrait instituer le règne égal des hommes et des femmes sans grand dommage pour la paix.
La conscience de soi atteint sa satisfaction seulement dans une autre conscience de soi.
Aux prises avec des passions contraires, ils [les hommes] voient le meilleur et font le pire.
Le désir est une conduite d’envoûtement. Il s’agit, puisque je ne puis saisir l’Autre que dans sa facticité objective, de faire engluer sa liberté dans cette facticité.
Il n’y a certainement qu’une torve et triste superstition pour interdire qu’on prenne du plaisir.
Un affect qui est une passion cesse d’être une passion sitôt que nous en formons une idée claire et distincte.
Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité.
Aussi le passionné aime-t-il, non l’être réel et présent qu’il dit aimer, mais ce qu’il symbolise. Dans les cas de demi-lucidité, il aime cette recherche même du passé dans le présent : il aime alors l’amour, ce qui n’est pas aimer.
Si l’émotion est une ivresse, la passion est une maladie.
La froide raison n’a jamais rien fait d’illustre.
Attaquer les passions à la racine, c’est attaquer la vie à la racine : la pratique de l’Église est hostile à la vie…
L’Universel doit se réaliser par le particulier. [...] En ce sens, nous devons dire que rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion.
Rien n’arrive dans la Nature qui puisse être attribué à un vice existant en elle.
Le "mauvais infini" du désir est le moteur de l’histoire, par delà même les déterminismes techniques qui n’en donnent que les moyens et jamais les fins.
L’ascèse a toujours été la condition du désir.
Il [l'homme] n’est jamais moins misérable que quand il paraît dépourvu de tout : car la misère ne consiste pas dans la privation des choses, mais dans le besoin qui s’en fait sentir.
On supporte moins aisément la passion que la maladie.
La vie de l’amant est vouée à l’esclavage.
C’est ainsi qu’un amant dont l’ardeur est
extrême
Aime jusqu’aux défauts des personnes qu’il aime.
Il n’est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde entier à une égratignure de mon doigt.
Les passions sont des gangrènes pour la raison pure pratique et, dans la plupart des cas, elles sont incurables, parce que le malade ne veut pas être guéri et se soustrait à la domination du principe d’après lequel seulement la guérison pourrait advenir.
De tous côtés j’entendais bouillonner la chaudière des amours infâmes. Je n’aimais pas encore mais j’aimais l’amour.
Analysez la passion de l’amour, surtout à ses débuts : est-ce le plaisir qu’elle vise ? ne serait-ce pas aussi bien la peine ? Il y a peut-être une tragédie qui se prépare, toute une vie gâchée, dissipée, perdue, on le sait, on le sent, n’importe ! il faut parce qu’il faut. La grande perfidie de la passion naissante est justement de contrefaire le devoir.
Quelques poèmes...
Louise Labé [1524-1566]
Baise
m'encor, rebaise moy et baise :
Donne m'en un de tes plus savoureux,
Donne m'en un de tes plus amoureux :
Je t'en rendrai quatre plus chauds que braise.
Las, te plains-tu ! ça, que ce mal j'apaise,
En t'en donnant dix autres doucereux.
Ainsi mêlant nos baisers tant heureux,
Jouissons-nous l'un de l'autre à notre aise.
Lors, double vie à chacun en suivra.
Chacun en soy et son ami vivra.
Permets, m'amour, penser quelque folie :
Toujours suis mal, vivant discrètement,
Et ne me puis donner contentement,
Si hors de moy ne fais quelque saillie.
Sonnets [XVII]
Tout
aussi tot que je commence à prendre
Dens le mol lit le repos désiré,
Mon triste esprit hors de moy retiré,
S'en va vers toy incontinent se rendre.
Lors m'est avis que dedens mon sein tendre
Je tiens le bien, où j'ay tant aspiré,
Et pour lequel j'ai si haut soupiré
Que de sanglots ay souvent cuidé fendre.
O dous sommeil, o nuit à moy heureuse !
Plaisant repos plein de tranquilité,
Continuez toutes les nuits mon songe :
Et si jamais ma povre ame amoureuse
Ne doit avoir de bien en vérité,
Faites au moins qu'elle en ait en mensonge.
Sonnets [XVII]
Ronsard
Quand
vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
"Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle !"
Lors,
vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je
serai sous la terre, et, fantôme sans os,
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant
mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.
Sonnets pour Hélène, II, XLIII
Lattaignant
LE MOT ET LA CHOSE
Madame,
quel est votre mot
Et sur le mot et sur la chose ?
On vous a dit souvent le mot,
On vous a souvent fait la chose.
Ainsi, de la chose et du mot
Pouvez-vous dire quelque chose.
Et je gagerai que le mot
Vous plaît beaucoup moins que la chose !
Pour
moi, voici quel est mon mot
Et sur le mot et sur la chose.
J’avouerai que j’aime le mot,
J’avouerai que j’aime la chose.
Mais, c’est la chose avec le mot
Et c’est le mot avec la chose ;
Autrement, la chose et le mot
À mes yeux seraient peu de chose.
Je
crois même, en faveur du mot,
Pouvoir ajouter quelque chose,
Une chose qui donne au mot
Tout l’avantage sur la chose :
C’est qu’on peut dire encor le mot
Alors qu’on ne peut plus la chose…
Et, si peu que vaille le mot,
Enfin, c’est toujours quelque chose !
De
là, je conclus que le mot
Doit être mis avant la chose,
Que l’on doit n’ajouter un mot
Qu’autant que l’on peut quelque chose
Et que, pour le temps où le mot
Viendra seul, hélas, sans la chose,
Il faut se réserver le mot
Pour se consoler de la chose !
Pour
vous, je crois qu’avec le mot
Vous voyez toujours autre chose :
Vous dites si gaiement le mot,
Vous méritez si bien la chose,
Que, pour vous, la chose et le mot
Doivent être la même chose…
Et, vous n’avez pas dit le mot,
Qu’on est déjà prêt à la chose.
Mais,
quand je vous dis que le mot
Vaut pour moi bien plus que la chose
Vous devez me croire, à ce mot,
Bien peu connaisseur en la chose !
Eh bien, voici mon dernier mot
Et sur le mot et sur la chose :
Madame, passez-moi le mot…
Et je vous passerai la chose !
Gabriel-Charles
de Lattaignant
Chanoine à Paris (1697-1779)